CHANGEMENT DE CÔTÉ DE TERRAIN, par François Leclerc

Billet invité.

La confrontation entre les indépendantistes et les souverainistes a changé de terrain. Elle y reviendra vraisemblablement, mais elle a dans l’immédiat abandonné la rue en vue de s’inscrire dans un cadre électoral. Elle va aussi acquérir une dimension européenne et juridique avec l’installation bruxelloise à titre de précaution de Carles Puigdemont.

Mariano Rajoy peut se féliciter d’un démarrage sans heurts de la tutelle de la Catalogne, que Carles Puigdemont a tenté de justifier comme visant à « éviter la violence » après s’être abstenu de donner une quelconque consigne lors de son intervention de dimanche dernier.

Ainsi que ses treize ministres destitués, il est appelé à comparaître jeudi et vendredi prochain devant l’Audience nationale, afin de se voir signifier son inculpation pour rébellion et sédition, deux charges passibles de lourdes peines de prison, risquant s’il se présenterait de connaître le sort des deux leaders indépendantistes en détention préventive. Ce qui explique sa décision de se réfugier à Bruxelles, d’où il se prépare à lutter contre une éventuelle demande d’extradition. Carme Forcadell, la présidente du Parlement catalan, qui est également démise de ses fonctions, est convoquée cette semaine devant la Cour suprême, compétente pour les députés.

Les autorités madrilènes ne peuvent être suspectées de faire preuve de mansuétude, mais elles préféreront sans doute attendre que les élections soient dépassées pour que des peines soient prononcées, en jouant sur la lenteur des instructions afin d’éviter un impact électoral. Une procédure d’extradition adressée à la Belgique mettra entretemps les deux États de l’Union européenne dans une situation inconfortable, si ce n’est inédite.

Les trois composantes de la majorité parlementaire du Parlement destitué vont-elles se présenter séparément devant les électeurs ou faire d’une manière ou d’une autre un front commun, comme cela avait été précédemment le cas ? La CUP d’extrême-gauche (Candidature d’unité populaire) n’a pas encore fait connaître sa position relativement à sa participation, tandis le Parti européen démocrate catalan (PdeCat) et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), qui a au contraire du précédent le vent en poupe dans les sondages, n’ont pas déclaré leurs intentions à cet égard. Les plus fervents indépendantistes espèrent la constitution d’une liste commune à laquelle participeraient les deux dirigeants des associations incarcérés.